Woody allen Quand il a dit oui

By Marie-Joëlle

Il protège jalousement sa vie privée, donne rarement des entrevues et rejette les prix et les honneurs. En 50 ans de carrière, Woody Allen a toujours refusé d’être le sujet d’un documentaire. Entretien avec le réalisateur à qui Woody a dit oui.

Robert Weide a été patient. Il lui aura fallu 25 ans pour convaincre le monstre sacré du cinéma de se confier à sa caméra. Il lui a envoyé plusieurs demandes écrites au fil des ans. Allen les a toujours poliment déclinées. Puis, en 2008, une porte s’est ouverte.

« Je pense que c’était le bon moment dans sa vie. Il connaissait mon travail, donc je n’étais pas un parfait inconnu » , explique Robert Weide, réalisateur new-yorkais de Curb Your Enthusiasm.

« Il ne m’a imposé aucune restriction, à part de voir le film avant tout le monde. Son seul commentaire a été à propos d’une blague qu’il n’aimait pas à ses débuts de stand up comic. »

Humaniser

Même s’il a horreur de se voir à l’écran, Allen a aimé le documentaire. « Il m’a dit : “J’ai 76 ans et tu es la première personne qui arrive à m’humaniser, et ce, malgré mes nombreux psys” », indique M. Weide.

Personnage énigmatique et très timide, Allen n’aime pas se mettre de l’avant, voilà pourquoi il n’assiste jamais aux cérémonies de remise de prix comme les Oscars. « C’est un personnage très modeste avec une forte tendance à l’autodérision, il ne se considère pas comme un vrai artiste malgré ses 41 films », dit Robert Weide.

Allen ne regarde jamais ses propres films et n’est pas du tout attaché à ses archives. « Il prend un malin plaisir à aimer les films que le public a détestés, comme Stardust Memories et vice versa. Par exemple, il n’aime pas du tout Manhattan et Annie Hall ».

À 76 ans, Allen est toujours aussi prolifique. Il écrit et réalise un film par an. To Rome with Love sort cet été. « Je ne pense pas qu’il va s’arrêter jusqu’à sa mort. Il est incapable de ne rien faire et de prendre des vacances. Quand un film est terminé, il en écrit déjà un autre. »

Son père est mort à 100 ans et sa mère à 96 ans. « Woody prend soin de lui, donc il devrait être avec nous encore très longtemps », dit M. Weide.

Une enfance difficile

Par ailleurs, une entrevue avec la mère de Woody réalisée avant sa mort laisse deviner l’origine de l’esprit tordu de son fils. Elle dit regretter de ne pas avoir été plus douce avec lui. « Sa mère était très stricte, elle ne le cernait pas du tout. C’est une mère qu’il ne pouvait pas satisfaire. Sa soif de succès provient de cette époque. »

Le documentaire se concentre davantage sur ses films que sur sa vie privée, mais Woody parle amplement de ses relations avec les femmes. « Il a encore le béguin pour certaines actrices. Quand il tournait Midnight in Paris, c’était Léa Seydoux. »

Allen ouvre aussi la porte de son appartement new-yorkais et même sa chambre. C’est sur son lit qu’il écrit à la main ses scénarios retranscrits ensuite sur la même machine à écrire Olympia qu’à ses débuts.

Ses méthodes de travail sont archaïques. Il utilise des ciseaux et une agrafeuse pour « copier-coller » un passage dans un scénario. « Il ne connaît rien à l’électronique et ne va pas sur Internet. »

Zen et calme

Weide aborde le scandale de sa séparation d’avec Mia Farrow en 1992, lorsque cette dernière a découvert des photos de sa fille adoptive Soon-Yi nue chez Allen. Soon-Yi devint plus tard sa troisième femme.

Les deux femmes ont refusé d’être interviewées.

« Soon-Yi refuse tout ce qui pourrait la mettre sous le feu des projecteurs », dit Weide. Est-elle impliquée dans la vie professionnelle d’Allen ?

« Je pense que son opinion compte, mais elle n’est pas sur les plateaux de tournage. »

On découvre dans ce film un Woody Allen beaucoup moins névrosé qu’on ne l’imagine. « Il est très “domestique”. Il conduit ses filles à l’école à 9 h, il va aux rencontres parentales, il aime la routine. Il mange toujours à la même heure au même restaurant. Le côté névrosé est un personnage qu’il s’est donné pour ses films. Dans la vraie vie, il est très zen et calme. Rien ne le stresse. Sur un plateau de tournage, il ne se prend pas trop au sérieux, il laisse les acteurs complètement libres », conclut Robert Weide.

Pour voir des extraits vidéo du documentaire, visitez mon blogue : blogs.canoe.ca/mjny.

woody collage